Saturday 19 November 2016

Les Francs-Maçons, la connaissance scientifique et les machines au siècle des Lumières


Auteur: Jacques Lemaire

Extrait: "Les francs-maçons de l'époque des Lumières, et les membres de la loge des Neuf Sœurs en particulier, ne se sont donc pas cantonnés dans une vaine spéculation théorique. Les uns ont cherché à mettre leur savoir à la disposition de leurs contemporains en suppléant aux carences du clergé dans l'enseignement des matières scientifiques et techniques. D'autres, davantage animés par une intuition pratique, ont innové en offrant à la civilisation les fruits concrets de leurs réflexions. En fils spirituels de l'Encyclopédie, «concrétisation de la philosophie du temps», tous ont contribué de la manière qu'ils estimaient la plus adéquate au progrès intellectuel et social de l'humanité. "

Il est incontestable que la Franc-Maçonnerie est née en Écosse et non en Angleterre.



Extrait: "La recherche historique sur la franc-maçonnerie s'est professionnalisée et a connu un grand essor dans les pays anglo-saxons depuis plusieurs décennies. Résultat : les certitudes les plus établies sont battues en brèche et les frères sont déstabilisés dans leurs croyances. Auteur de nombreux ouvrages, dont le dernier, « Le symbole perdu décodé » (éditions Vega), rédigé avec Alain Bauer, donne les clés pour comprendre le dernier livre de Dan Brown, Roger Dachez, président de l'Institut maçonnique de France et historien internationalement reconnu, décrypte ces découvertes inattendues."


Thursday 10 November 2016

Les illuminés de Bavière et la Franc-Maçonnerie allemande




Publié en 1915, ce livre demeure un ouvrage de référence sur les Illuminés de Bavière, et il est d'autant plus précieux que beaucoup de documents auxquels l'auteur a eu accès ont disparu depuis les deux guerres mondiales. Il sera particulièrement utile à ceux qui s'intéressent à l'illuminisme et au martinisme du XVIIIe siècle, dans la mesure où il évoque également l'histoire de la Stricte Observance Templière et celle des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte.

Texte de la brochure de présentation du livre : « La société secrète, appelée Ordre des Illuminés, fondée en 1776 par un professeur bavarois, fit des prosélytes dans toute l'Allemagne et jusqu'en Hongrie, et inscrivit sur ses listes des noms célèbres comme ceux de Goethe et de Herder. Elle tenta de conquérir les loges allemandes ou de les gouverner en secret. On lui a attribué une influence décisive sur la Révolution française, et la police napoléonienne la crut digne de son attention. L'auteur, en s'appuyant sur des documents inédits consultés dans les archives de la Maison royale de Bavière, dans celles de la loge Ernest au Compas de Gotha et aux Archives nationales, a écrit l'histoire complète et détaillée de cette association jusqu'à présent mal connue. Les chapitres qu'il a consacrés à la franc-maçonnerie allemande racontent la vie pittoresque de cette société depuis ses origines jusqu'en 1780 ; le lecteur y trouvera, à côté de l'analyse des principaux rites et de renseignements sur les loges françaises, autrichiennes, suédoises et polonaises, le portrait des différents personnages qui conduisirent souvent les Frères sur les voies aventureuses de l'alchimie et de l'occultisme. L'ouvrage contient des planches documentaires d'après des originaux datant du XVIIIe siècle. »

Thursday 6 October 2016

Une peu d'Histoire: Quand la Franc-maçonnerie était légitimiste et royaliste.



Auteur: Frédéric de Natal (le 19 juin 2015)

Traditionnellement, dans les milieux catholiques et monarchistes, il est coutume d’être hostile aux loges franc-maçonnes, accusées d’avoir organisé et planifié la révolution française. En effet, l’ouvrage à succès de l’abbé jésuite Augustin de Barruel (1741-1820), « Mémoires pour servir à l'histoire du Jacobinisme », affirme que cette période sanglante de notre histoire est l’œuvre unique des francs-maçons, des philosophes athées et des jacobins, qui contribuèrent au renversement de la monarchie. Une thèse qui sera largement reprise sous la IIIème république. Cependant, c’est oublier ou nier certaines réalités historiques qui attestent que les premières loges furent dévouées à la monarchie légitime.

C’est au XVIIème siècle avec la chute de la monarchie Stuart, que les premières loges maçonniques apparaissent en France. Les officiers du régiment « Royal Irlandais » se réunissent alors en secret afin de préparer la restauration de la monarchie légitime en Angleterre. Ainsi sont introduits en France grâce aux écossais, « les rites les plus anciens, inspirés des initiations de bâtisseur et de la tradition templière ». Louis XIV de Bourbon lui-même a donné sa bénédiction à la création de cette loge, La Parfaite Égalité, à Paris. Le Roi- Soleil n’a rien à craindre de cette société dont il surveille néanmoins les activités. 

C’est en 1738 que la première Grande Loge de France nait sous la direction de Louis de Pardaillan de Gondrin (1707-1743). La nomination de ce prince de sang à la tête des loges comme « Grand maître général et perpétuel des maçons dans le royaume de France » n’est pas anodine. Les frères, qui n’avaient pas les faveurs du Roi Louis XV, espéraient que le Roi  (malgré sa crainte des complots) en oublierait de faire enregistrer la bulle papale (« In eminenti apostolatus specula ») de Clément XII. En 1738, le Pape condamnait le goût du secret et du multiconfessionnalisme  qui régnait au sein de ces sociétés qu’il suspectait de pratiquer l’ésotérisme.

Une bulle qui sera reprise par tous ses successeurs durant deux siècles, accusant la franc-maçonnerie d’être une « œuvre de destruction du catholicisme ». Mais à regarder de plus près la haine de Clément XII envers les Francs-maçons n’était-elle pas d’abord plus personnelle que politique. En effet, sa Toscane natale cédée par les Médicis au futur mari de l’impératrice Marie-Thérèse était gouvernée par un franc-maçon. Clément XII ne le supportait pas… et en édita une bulle !

Finalement, bien qu’il voie leurs activités d’un mauvais œil, Louis XV ne donnera pas suite à cette bulle que le parlement se gardera bien d’ailleurs d’enregistrer. Parmi les francs-maçons figurent plusieurs membres de la noblesse et de l’Eglise y compris issus de la maison de France. En 1743, c’est le prince et comte de Clermont, Louis de Bourbon-Condé, petit-fils du Roi soleil qui hérite de la charge de Grand-maître de la loge. « La Franc-maçonnerie véhicule alors des règles et des principes parallèles aux règles et principes de la Monarchie absolue tout en étant influencée par les Lumières des philosophes. »

Sunday 2 October 2016

Un peu d'Histoire: Les maçonneries et leurs influences sur les projets de création des Etats nouveaux en Amérique (1815-1835)


"Ce survol rapide de quatre épisodes impliquant concrètement la maçonnerie dans le débat sur le type de société que les Américains doivent imaginer une fois obtenue l’indépendance mérite d’être approfondi, pas obligatoirement dans le but de démontrer l’existence d’une organisation internationale (l’eurocentrisme n’a rien à voir avec notre volonté historiographique) influente au moment de ce changement sociétal, mais simplement d’en comprendre tous les aspects au risque, si cette ouverture thématique ne se produit pas, de retomber dans la conception d’histoires nationales en dehors de toute influence ou appartenance extérieure. L’étude des réseaux et des circulations maçonniques s’inscrit dans une approche transnationale. Au contraire, les histoires nationales qui peuvent avoir été très utiles aux différents pouvoirs politiques au moment de l’affirmation des nouvelles nations durant la seconde partie du XIX° siècle, aujourd’hui ne peuvent constituer l’unique interprétation ou explication aux systèmes qui régissent encore au présent les pays dans lesquels nous vivons."

Sunday 7 August 2016

Compagnonnages chrétiens et compagnonnages musulmans

Extrait: "En ces temps noirs d'intolérance et d'incompréhension, il n'est pas sans intérêt de rappeler auparavant combien la civilisation occidentale est redevable à l'Islam dans le développement de ses connaissances, notamment scientifiques et technologiques. L'un des apports les moins bien connus concerne directement l'un des supports privilégiés des compagnonnages : l'architecture. C'est en effet de l'Islam que proviennent, directement et/ou indirectement, les deux composantes majeures ayant permis à l'art gothique de naître et s'épanouir : la géométrie et l'arc d'ogive

Si l'on admet que les compagnonnages (ou les pré-compagnonnages) occidentaux existaient déjà au moment des Croisades, ceux-ci ont nécessairement eu contact avec leurs homologues musulmans. L'on sait en effet que les ordres chevaleresques transportaient avec eux une main-d'œuvre qualifiée, notamment pour construire les forteresses, et qu'ils faisaient également appel à la main-d'œuvre locale. Des échanges technologiques se sont donc obligatoirement produits, et probablement se sont-ils accompagnés d'échanges spirituels et intellectuels.

Cette hypothèse est d'autant plus crédible que la naissance et le développement de la futuwwa est consécutif à la nécessité que rencontra l'Islam dans son expansion d'assurer les conditions de la poursuite de cette dernière et de sa pérennité. Les Arabes n'étaient pas des artisans mais surtout des guerriers et des commerçants (trafiquants) ; ils avaient donc besoin, au fur et à mesure de leurs conquêtes, de conserver sur place les artisans non musulmans. Car les amener à fuir loin au-devant d'eux, c'était à court terme ne même plus disposer de richesses à razzier, d'armes pour se battre, de main-d'œuvre pour construire des forteresses. Aussi se développa très tôt un statut juridique favorable aux populations conquises et notamment aux artisans, leur assurant une relative sécurité sans même l'obligation de se convertir à l'Islam – l'on a tendance à oublier la dimension pacifique de l'Islam face à la barbarie et à l'intolérance dont faisaient preuve les Croisés, notamment les Templiers ! Dans ses premiers temps, et jusqu'assez tard, la futuwwa regroupa donc aussi bien des musulmans que des chrétiens et des juifs."

Auteur: Jean-Michel Mathonière

Tuesday 5 July 2016

Un peu d'Histoire: La chevalerie et ses marges - Enquête sur les chevaliers criminels dans les textes littéraires des XIIe et XIIIe siècles



Les chevaliers littéraires du Moyen Âge central ne sont pas tous des héros exemplaires. Certains d’entre eux contredisent par leur comportement le rôle régulateur que les écrivains des XIIe et XIIIe siècles attribuent à la chevalerie. Si les « marges » de la chevalerie romanesque du temps incluent les chevaliers couards ou incapables, elles concernent très souvent des figures criminelles destinées aussi bien à servir de « contre-exemples » à des personnages positifs qu’à légitimer l’idéologie courtoise et la vocation justicière de la chevalerie. Elles asseyent une réflexion commune à beaucoup d’auteurs sur la légitimité du recours à la force. 

Plusieurs éléments définissent un chevalier criminel et permettent de le considérer comme un représentant des marges d’un monde civilisé. Tout d’abord, ce type de personnage est constamment isolé d’un point de vue éthique ; il n’est pas entouré de pairs partageant les mêmes valeurs que lui. Il adopte ensuite en permanence des attitudes ou des comportements « délictueux » au sens où l’idéologie courtoise les condamne, alors qu’il jouit de l’ensemble de ses facultés mentales ou physiques. Plus précisément, il se livre à des actes qui transgressent avec violence les règles juridiques et morales organisant la vie sociale : il devient bandit, violeur, assassin ou défie un seigneur légitime. Brisant la paix d’un royaume ou d’une seigneurie, il provoque d’autant plus l’indignation et la colère et est considéré comme un ennemi public irréductible. 

La criminalité chevaleresque est donc un ensemble de comportements qui enfreignent en permanence l’éthique d’une violence légitime et maîtrisée : les chevaliers criminels sont d’autant plus dangereux qu’ils sont bons combattants. Incarnations de la démesure, ils réalisent la potentialité destructrice de la chevalerie, activité violente qui suppose parfois que l’on inflige la mort. Le criminel chevaleresque se définit aussi par des fonctions narratives qui le rapprochent de certains avatars monstrueux du refus d’une éthique commune ; il peut également être comparé à des figures d’une humanité archaïque. Les jeunes filles et les représentants d’une autorité positive sont les principales victimes de ces figures d’une violence inquiétante.

Auteur: Pierre Levron
Pour l'article intégral, rendez-vous sur: https://questes.revues.org/2161

Sunday 12 June 2016

Un peu d’Histoire: 12 avril 1096, La croisade populaire de Pierre l'Ermite


Le pape Urbain II ayant appelé les chrétiens à délivrer Jérusalem, les paysans se mobilisent les premiers, par milliers, sans autres armes que leur foi.

La plupart suivent un apôtre d'Amiens charismatique et quelque peu fanatique, Pierre l'Ermite, qui dit avoir reçu du Christ mission de reconquérir les Lieux Saints lors d'un précédent pèlerinage en Terre Sainte, en 1093. D’autres pèlerins suivent un chevalier de Langres, Gautier-sans-Avoir, figure noble et désintéressée.

Échec de la croisade populaire
Tous ces pèlerins se rassemblent à Cologne et c'est de là qu'ils partent, le 12 avril 1096, sans attendre les chevaliers qui ont entrepris de se rassembler d'abord au Puy, selon les instructions du pape. 

Comme la plupart de leurs contemporains, ils n'ont guère conscience du temps historique. Ils se figurent le Christ comme à peine antérieur à eux et sont enclins à reconnaître ses meurtriers dans les juifs de rencontre.

C'est ainsi que certains égarés, sous la conduite de chefs peu recommandables, Volkmar, Gottschalk ou encore Emich, le « massacreur de juifs », se livrent à des massacres de juifs en Rhénanie, malgré la défense des évêques. Ils commettent des pillages jusqu'en Hongrie, où une partie d'entre eux sont massacrés par les seigneurs locaux. C'est le début de l'anti judaïsme en Occident après plusieurs siècles de coexistence relativement pacifique entre juifs et chrétiens.

Quant aux troupes de Pierre l'Ermite, elles arrivent plus ou moins sans encombre à Constantinople le 1er août 1096, bien avant que les guerriers aient eux-mêmes quitté leur lieu de rassemblement...

Les croisades en Terre Sainte
Le 27 novembre 1095, le pape Urbain II invite les guerriers d'Occident à délivrer le Saint-Sépulcre et secourir les chrétiens d'Orient.
En deux siècles, les croisades vont mettre en branle plusieurs centaines de milliers de personnes.

Un peu d’Histoire: Saint Benoît lègue sa règle aux moines d'Occident



Le 21 mars 547 meurt saint Benoît de Nursie, un moine italien né 67 ans plus tôt dans la pire période des invasions barbares. On lui doit la redécouverte de la culture antique et la règle monastique dite « bénédictine » qui va valoriser le travail dans toutes les couches de la société.

Un moine d'exception
 Après des études de droit à Rome, Benoît se retire dans une grotte pour prier et pratiquer l'ascèse mais sa réputation de sainteté lui vaut d'être rejoint par d'autres ermites.
Benoît rassemble ses compagnons dans les ruines d'une forteresse, sur le mont Cassin, entre Naples et Rome. Puis il édicte pour eux une règle très simple, en 73 chapitres courts et un prologue.

À la différence des règles en usage dans les monastères orientaux, la sienne combine la prière, le travail et la tempérance dans un climat d'équilibre et de paix. « Ora et labora » (prier et travailler) était sa devise.

Le travail lui-même doit se partager entre les tâches intellectuelles (instruction, étude et copie des textes anciens...) et les tâches ordinaires (travaux ménagers, artisanaux ou agricoles).

Une règle à vocation universelle
La règle de saint Benoît de Nursie est reprise deux siècles plus tard, sous le règne de Charlemagne, par saint Benoît d'Aniane, fondateur de plusieurs monastères en pays franc. 

En 817, au concile d'Aix-la-Chapelle, l'empereur Louis le Pieux, fils et successeur de Charlemagne, l'impose à tous les monastères de son empire.

Cette règle dite « bénédictine » va contribuer d'une manière décisive au renouveau de la chrétienté occidentale en invitant les moines à redécouvrir l'héritage de l'Antiquité et surtout en valorisant le travail manuel.

Source : Herodote

La carte de Tarot du Chariot : positive ou négative ?


Dans le Tarot de Marseille, le Chariot est sans doute l’un des arcanes majeurs que l’on considère comme particulièrement favorable. Évoquant le  voyage, l’indépendance, la liberté, cette carte est en effet très positive. Mais, comme le Tarot de Marseille ne se limite jamais à une interprétation unique, nous allons voir que le Chariot a aussi ses secrets...


L’image du Chariot dans le Tarot de Marseille
 La septième carte du Tarot de Marseille est celle du Chariot, arcane souvent apparenté au voyage, au départ, au déplacement, au changement.

Il faut cependant émettre quelques réserves quant à cette interprétation. Le personnage central, Sa Majesté, est dans une attitude plutôt nonchalante, la main gauche sur sa hanche, la main droite tenant négligemment un sceptre qui n’a rien de royal. Il semble sûr de lui et relativement décidé. Pourtant, ce n’est pas lui qui conduit cet étonnant attelage, qui pourrait davantage s’apparenter à un manège qu'à un moyen de transport.

Coiffé d’une couronne, autre signe de sa royauté, il se laisse conduire. Tout semble « aller comme sur des roulettes  ». De plus, le personnage sur le Chariot est dans une situation élevée qui lui permet de voir de haut et donc plus loin.


L’arcane du Chariot révèle la foi en un avenir radieux
Dans sa version positive, le Chariot nous dit que nous avons une grande confiance en nous, une aisance, un optimisme qui permet toute entreprise. Il nous assure que tout ira comme nous voulons. Du moins, nous avons confiance en notre destin, et nous pouvons nous y abandonner. Nous semblons aller vers le triomphe, la réussite...


La face cachée de la carte du Chariot
Mais tout n’est jamais si simple et il y a toujours un revers à la médaille. Dans son aspect plus sombre, le Chariot nous indique une certaine facilité, une trop grande décontraction.

Avoir confiance en son destin, c’est bien, mais cela peut aussi donner aussi un sentiment de supériorité, alors que ce n’est pas le personnage principal qui conduit le Chariot, il se laisse juste porter. Si tout arrive d’emblée sur un plateau, il faut en profiter mais garder à l’esprit que ce n’est pas un dû. La facilité endort et peut rendre arrogant.

Trop de confiance en soi peut aussi mener à des situations périlleuses. En se penchant sur l’image que nous renvoie le Chariot, nous pouvons voir que les deux chevaux tirent chacun en oblique. Vont-ils « à hue et à dia  » ? Les roues du Chariot sont complètement perpendiculaires à la caisse centrale, ce qui doit poser problème pour rouler...

Cette carte de Tarot questionne le désir que chacun éprouve un jour : celui de voyager, de partir. Ce voyage n’est peut-être qu'un voyage intérieur ? C'est le moment de choisir.

La carte du Chariot  invite à faire un choix  
Cet arcane vient après celui de l’Amoureux dont la signification se rapporte au choix. Après avoir quitté le nid familial, représenté par l’Impératrice et l’Empereur (qui peuvent s’interpréter comme des figures parentales) et le Pape et la Papesse (qui peuvent s’assimiler à des éducateurs, des enseignants), chacun doit forger sa propre personnalité avec ou contre ses modèles.

Le Chariot représente un nouveau départ dans la vie. Il indique que c’est le moment d’affronter les obstacles et de triompher. Il suggère que l’on peut atteindre la grandeur quand les forces physiques et spirituelles (déterminées par les couleurs rouge et bleu des chevaux qui tirent le Chariot) sont équilibrées.

Un peu d'Histoire: Le 16 mars de l'an 597 av. J.-C., Jérusalem tombe aux mains de Nabuchodonosor.



Le puissant roi de Babylone reçoit la soumission du royaume de Juda. Celui-ci est l'ultime survivance du royaume d'Israël fondé quatre siècles plus tôt par Saül, David et Salomon, et dont la population a déjà eu à souffrir des Assyriens.

Nabuchodonosor déporte la famille royale et l'élite juive dans son pays, entre le Tigre et l'Euphrate (l'Irak actuel).

Dix ans plus tard, suite à une ultime révolte, toute la population de Jérusalem est envoyée en Mésopotamie et le prestigieux Temple de Salomon est détruit. C'est la première diaspora.

Les prophètes hébreux de l'époque, tels Jérémie et Ézéchiel, voient dans ces malheurs une punition infligée au peuple hébreu pour avoir désobéi à Dieu.

À Babylone, cependant, les Juifs vont affermir leur religion et regagner en prospérité ce qu'ils ont perdu en liberté.

Cinquante ans plus tard, lorsque Cyrus, roi de Perse, conquerra la Babylonie, une partie des Hébreux retournera en Palestine pour bâtir un deuxième Temple, tout en demeurant sous la tutelle des Perses.

Avec la chute de Jérusalem, c'en est fini de l'indépendance d'Israël pour... 2500 ans, jusqu'à la résurrection de l'État hébreu au XXe siècle de notre ère (mise à part une brève période d'indépendance sous les Maccabées ou Asmonéens).

Source : Hérodote

Friday 10 June 2016

Franc-Maçonnerie: La colonne d’Harmonie

La musique fait partie intégrante de nos rituels, elle en garantit l’égrégore. Elle a sa place aux moments opportuns, les critères sont justement l’émotion et l’égrégore. Elle est cité à un degré, « le plus immatériel des arts ». Mais pour autant pas de magie, pas d’exclusivité. Ce n’est que de la musique.
A la question que l’on peut entendre dans les gazettes, existe-t-il une musique maçonnique? Je répondrais non évidemment. S’il en était ainsi, la musique ne serait plus universelle.
Il n’y a pas de musique maçonnique, il n’y a que de la musique écrite et jouée par des FM.

J’irai plus loin, car je suis de ceux qui pensent que la musique doit se suffire à elle-même, ce qui explique son histoire et qui montre la liberté que prend cet art, j’irai plus loin donc en avançant que s’il n’existe pas de musique Maçonnique, pas plus qu’il existe une musique sacrée, voir religieuse. En effet, seule l’émotion est sincère et véritable, ce qui est sacré, c’est l’émotion que la musique suscite. Il ne faut pas enfermer la musique dans les carcans et des systèmes comme les hommes aiment si bien enfermer ce qu’il ne comprenne pas bien, parce qu’il n’entende pas bien.

Derrière ce mode d’expression, il y a les hommes, leurs cultures, leurs idées et leur vie. Qu’enfin, il n’y a rien de magique là-dedans, qu’il s’agit de vibrations, d’effets mécaniques dont nous perçons chaque jour le mystère, comme diraient d’Ormesson et Mozart, de petits riens qui font parties d’un grand tout.

Sunday 5 June 2016

Franc-Maçonnerie: La Sainte-Alliance est-elle d’inspiration maçonnique ?


Ce fut à Vienne[1] que les vainqueurs de la France napoléonienne se réunirent du 3 octobre 1814 au 9 juin 1815. Le 30 mai 1814, le traité de Paris avait réglé le sort de la France. Toute l’Europe se retrouva ensuite dans la capitale habsbourgeoise : quinze empereurs, rois, princes impériaux et royaux, deux cent princes souverains ou médiatisés, deux-cent seize missions diplomatiques et des groupes les plus divers depuis les chevaliers de Malte, les sociétés abolitionnistes de la traite des Noirs, les représentants de la communauté juive « allemande » ou divers porteurs de projets européen, pacifiste et/ou géopolitique. Le congrès se poursuivit pendant les «cent-Jours» (retour de Napoléon) et prit fin seulement neuf jours avant la seconde abdication de Napoléon, les Alliés étant décidés à se défaire de lui définitivement. Après la bataille de Waterloo (18 juin 1815), la France dut accepter un second traité de Paris (20 novembre 1815) dont les conditions étaient plus rigoureuses qu’en 1814.
L’Acte Final du congrès de Vienne remodelait territorialement et politiquement l’Europe et accessoirement les régions extra-européennes qui en dépendaient. Il s’agissait de garantir à la fois les frontières et les régimes en se référant au principe de légitimité. Pour concrétiser cette volonté, à l’initiative du tsar fut signé le 26 septembre 1815 un traité dit la Sainte Alliance « au nom de la Très Sainte et Indivisible Trinité » entre l’empereur russe orthodoxe Alexandre Ier, l’empereur d’Autriche catholique romain François II et le roi de Prusse protestant Frédéric-Guillaume III. Ces trois souverains s’engageaient à rester « unis par les liens d’une fraternité véritable et indissoluble » et à se donner « en toute occasion et en tous lieux, assistance, aide et secours ». La cour de Vienne et son chancelier le prince Klemens Wenzel von Metternich (1773-1850) y virent un document à vocation juridico-morale. Berlin penchait plutôt pour une alliance géopolitique, tout comme la France qui y adhéra le 19 novembre 1815. Londres refusa poliment. La Sublime Porte ne pouvait se placer sous la croix & le pape bouda ce traité multiconfessionnel.
Le principal inspirateur et animateur de cette étrange alliance était Alexandre Ier                     [2]. Vrai despote éclairé, il fut toujours autocrate dans ses méthodes. Cependant le monarque eut d’abord une phase libérale, moderniste et  humaniste sentimentale jusqu’à la guerre de 1812. Il fut notamment sous l’influence de son ancien précepteur le Suisse Frédéric César de La Harpe (1754-1838), libéral, inspirateur de la république genevoise et franc-maçon[3]. Avec le conflit l’opposant à Napoléon, l’attitude du tsar changea, notamment sous l’influence de Rodion Kochelev (1749-1827), maçon de longue date, autrefois lié à Diethelm Lavater (1743-1826), organisateur du Rite Ecossais Rectifié en Suisse, .au théosophe Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803) et à l’illuminat  & philosophe Karl von Eckartshausen. D’abord, son regard s’obscurcit vis-à-vis de la France des Lumières. Les idées issues de la Révolution française n’avaient produit que des conséquences néfastes. Ensuite, divers conseillers le poussèrent à lire les malheurs russes de 1812, notamment l’incendie de Moscou, à travers une grille biblique. Concomitamment, le monarque apporta son total appui à la création de la Société Bibliqueprésidée par le prince Alexander M. Galitzin (1773-1844), au demeurant franc-maçon, Ober procurator du Saint Synode (1803) & chef du département des confessions étrangères (1810). Très rapidement, cette association, financée par Londres, qui réunissait des chrétiens de diverses confessions, dans une sorte d’œcuménisme d’avant la lettre, devint une machine de guerre contre l’influence des Jésuites à Saint-Pétersbourg et le mouvement de conversion au catholicisme de plusieurs familles nobles russes. Enfin, Alexandre lia la libération de l’Europe du tyran corse à un projet politico-religieux de recomposition de l’Europe. Cette vision s’exprimait dans un climat de mysticisme messianique et de guerre patriotique, le tsar se croyant appelé à être l’instrument de Dieu. Dans cet élan de foi, Alexandre Ier avait formé, au printemps 1814, dans le château de Bruchstal, résidence de sa belle-mère, la margravine Amélie de Bade (1754-1832), un « pacte mystique », « un lien d’amour et de charité », entre une ancienne dame d’honneur de la tsarine Elisabeth (1779-1826), Roxandre Stourdza (1786-1844), mariée au comte Albert Cajetan von Edling (1771-1841), alors maréchal du palais et ministre des affaires étrangères du grand-duc de Saxe-Weimar, et Johann Heinrich Jung-Stilling[4] (1740-1817), instituteur et ophtalmologue, franc-maçon, ami de Goethe, disciple de Lavater, conseiller aulique en 1803 de feu l’électeur (1803)(puis grand-duc en 1806) Karl Friedrich[5] (1728-1811) de Bade, par ailleurs fait franc-maçon à Londres, qui rêvait de bâtir sur les rives du Rhin une « Nouvelle Jérusalem » pour lutter contre la « Nouvelle Babylone » des bords de Seine.
Quelques mois plus tard, le tsar rencontra, sur la route de Heilbronn à Heidelberg, au printemps 1815, Barbara Juliane von Vietinghof (1764-1824), baronne de Krüdener[6], aristocrate livonienne, fille de maçon, vraie cosmopolite, grande voyageuse, amoureuse tumultueuse, en contact avec les Frères Moraves (protestants tchèques) de Riga, amie de Châteaubriand, Constant, Schenkendorf et Werner, détestée par Goethe, brimée par Metternich, romancière francophone préromantique, héritière de Rousseau, lectrice de Swedenborg, fondatrice d’une Eglise évangélique qui prêchait le salut collectif par la soumission volontaire au Christ Sauveur. Elle invita le tsar à assumer son rôle d' »Elu de Dieu » et, comme tel, de prendre la direction d’une nouvelle Eglise chrétienne régénérée et lavée des atrocités de la Révolution et du bonapartisme. De juin à octobre 1815, Alexandre lui rendit visite presque chaque soir, à Paris, à l’hôtel Montchenut, sis 35 rue du Faubourg-Saint-Honoré où elle résidait. Elle le convainquit de la nécessité d’appliquer les préceptes chrétiens à la politique et l’incita à former une « Union-Absolue ou Sainte-Alliance « , mais il semble que son rôle dans l’élaboration du traité ait été surévalué. Quoiqu’il en soit, ce projet d’une nouvelle Respublica christiana semblait la réalisation des vieux rêves mesmériens d’harmonie universelle d’un ami de la baronne, le ci-devant maçon l’avocat Nicolas Bergasse (1750-1832), discipline de Messmer, co-fondateur de la Société de l’Harmonie Universelle, ancien député libéral aux Etats généraux de 1789, devenu théoricien de la contre-Révolution et zélé latomophage[7]. Obnubilé par la théorie du complot, s’informant à diverses sources, notamment auprès du ministre plénipotentiaire d’Espagne à Berlin, le comte de Vallejo, il devint le penseur d’une politique antirévolutionnaire dont l’antimaçonnisme fut une des composantes. Il voyait dans tous les mouvements publics ou discrets, libéraux, démocrates ou nationalistes, la main de la Secte, dont le signe « tangible » fut l’assassinat du duc de Berry.
Enfin, le projet de l’Europe chrétienne et mystique de la Stricte Observance Templière inspira aussi le pacte de la Sainte-Alliance. On y retrouvait également un parfum du christianisme ésotérique de Saint-Martin. De plus, un des principaux inspirateurs maçons de l’idéologie spirituelle dans laquelle baignera la Sainte-Alliance sera le frère Joseph de Maistre (1753-1821), nommé ambassadeur du roi de Sardaigne (réfugié dans l’île) de 1803 à 1817. L’esprit conservateur, voire réactionnaire du traité, ne pouvait que plaire à Maistre[8]. Il trouvait dans le « message des trois mages » (comme il appelait les trois souverains signataires) un écho à ses projets ou à ses souhaits exprimés dans les Soirées[9]. Cependant, cette alliance de souverains de confessions chrétiennes différentes, dans laquelle l’influence (réelle ou supposée) de l’illuminisme martiniste semblait exagérée (allusion à la baronne de Krüdener) gênait Maistre. Le Savoyard attribuait le rôle de destruction du Mal à la seule Russie alors qu’il conférait à la France contre-révolutionnaire régénérée la mission de conduire l’Europe vers le Bien. Il manifestait un attachement filial au catholicisme romain et au pouvoir temporel des papes. Paradoxe des conséquences, c’était l’aspect mystico-maçonnique de la Sainte-Alliance, trop éloigné de l’orthodoxie catholique et de son interprétation providentialiste de la Révolution française, qui heurtait Maistre.
Il va sans dire que la présence maçonnique, ou plus exactement l’influence d’un courant maçonnique mystique dans la conception idéologique et programmatique de la Sainte-Alliance, ne fut pas la seule, ni même la plus importante. Au demeurant, ledit courant hiramique (Lavater, Jung-Stilling, Oberlin, Maistre) était lui-même une des multiples composantes de la nébuleuse mystico-romantique contre-révolutionnaire dans laquelle se mêlaient le piétisme protestant, la spiritualité catholique traditionnaliste, la mystique russe, l’illuminisme, la théosophie et l’occultisme. L’idée d’une unification de l’Europe sur la base du christianisme était dans l’air du temps, et le rôle central d’Alexandre Stourdza (1791-1854) dans l’élaboration du texte du traité est désormais clairement établi[10]. La Sainte-Alliance avait donc un parfum ésotérico-maçonnique mais il serait hasardeux d’y voir l’action occulte des loges. Tout au plus, peut-on dire qu’un noyau de maçons (ou anciens maçons) « mystico-réactionnaires » contribuèrent à donner corps à la sainte-Alliance. Pour déconnecter un tantinet le traité et la pensée maçonnique, il suffit de se référer à la situation de la franc-maçonnerie dans les trois piliers de la Sainte-Alliance.
Dans l’Empire d’Autriche, l’Art royal demeurait interdit, même si des Autrichiens fréquentèrent des loges étrangères. La sanction se prolongea sous le règne (1835-1848) de l’empereur Ferdinand 1er(1793-1875). Le chancelier (1809-1848) Metternich reprit à son compte les théories complotistes contre-révolutionnaires visant lesilluminaten, les carbonari, les jacobins, les francs-maçons et les libéraux. Au congrès de Vérone de la Sainte-Alliance, il prôna la prohibition de la franc-maçonnerie dans toute l’Europe, en s’appuyant sur les arguments développés par un mémoire écrit en français (puis traduit en allemand) du comte Christian von Haugwitz (1752-1832), ancien ministre des affaires étrangères de Prusse (1792-1804 ; 1805-1806) :
« J’acquis alors la ferme conviction que le drame commencé en 1788 et 1789, la Révolution française, le régicide avec toutes ses horreurs, non seulement y [dans la franc-maçonnerie] avaient été résolus alors, mais encore étaient le résultat des associations et des serments. Que ceux qui connaissent mon cœur et mon intelligence jugent de l’impression que ces découvertes produisirent sur moi !…»
Membre successif des loges de Leipzig (Minerva), Francfort (L’Union) et Görlitz, reçu dans la Stricte Observance Templière (Eques a Monte Sancto), attiré par le Système de Zinnendorf, puis par le Rite Suédois, Haugwitz avait fondé l’Ordre des Frères de la Croix, réservé aux maîtres maçons. Malgré ces liens avec Ferdinand de Brunswick et Charles de Hesse-CasseI, il se rendit, non sans barguigner, au convent « rectifié » de Wilhelmsbad (1782)[11] durant lequel il prétendit plus tard qu’on avait ourdi la perte de Louis XVI. Comme de nombreux maçons, il fut heurté par les excès de la Révolution française et devint latomophage[12]. Le roi de Prusse latomophile s’opposa au projet du chancelier autrichien, lequel, par une taquinerie de Clio, était pourtant fils & père de franc-maçon. En effet, son père, le premier prince Metternich (1746-1818), Franz Georg, diplomate et chevalier de la Toison d’or, fut membre de la loge Karoline zu den drei Pfauen, sise à Neuwied, et du cercle illuminé de Coblence (1784) sous le pseudonyme de Ximenes tandis que son fils Richard (1829-1895), ambassadeur à Paris (1859-1870) où il aurait été fait maçon.
Inversement, en Prusse, les obédiences étaient étroitement associées au régime royal depuis Fréderic II, fait maçon en août 1738. Ses trois frères, son neveu & héritier Frédéric-Guillaume II, puis les futurs  kaisers Guillaume 1er & Fréderic III, et plusieurs princes Hohenzollern furent reçus dans l’Art royal.
En Russie, la diversité maçonnique perdurait. L’Art royal était toujours partagé entre mysticisme et rationalisme, Système Suédoiset Rite Moderne. La cacophonie était telle qu’en 1815, les loges russes reçurent la possibilité de travailler à leur guise, sous les auspices de leur choix. Fut ainsi constituée la Grande Loge Astrée, ouverte à tous les régimes reconnus, indépendante des Hauts Grades, et présidée par le comte Vasili Muskin-Pushkin-Brus (1782-1836). Une grosse vingtaine de loges se rallia à elle. A côté se forma la (GrandeLoge provinciale, fidèle au Rite Suédois et forte d’une dizaine de loges, querelleuses entre elles. La totalité des maçons russes n’était qu’un gros millier. En Russie, la conjonction réelle (ou supposée) des jacobins, des illuminaten et des francs-maçons auxquels s’ajouteront les carbonari nourrissait la crainte d’une subversion universelle. La chancellerie de Vienne dénonçait auprès de l’empereur Alexandre Ier les activités contre-révolutionnaires des loges. En 1820, le lieutenant général, sénateur et comte Egor Andreievitch Kushelev, député grand maître de la Grande Loge Astrée, fit de même. Il demandait l’épuration des loges. L’évolution du régime tsariste vers un conservatisme étroit aurait suffi à justifier des mesures latomophages. Le 4 mai 1821, à Kichinev[13], le poète Alexandre Pouchkine (1799-1837) fut fait maçon à la loge Ovide. Le 12 août, à la veille du congrès de la Sainte-Alliance à Vérone, le tsar ordonna au ministre de l’intérieur le comte Victor Kotchubey de fermer les ateliers existants et d’interdire la création de nouveaux. Les réunions continuèrent plus ou moins discrètement. Dans le même temps, divers maçons participaient depuis 1815-1816 à des sociétés secrètes destinées à réformer, y compris par la violence, le système tsariste. Parmi les principales, on notait l’Union du Salut ouSociété des Fils Loyaux de la Patrie (1816), remplacée par l’Union de la Prospérité (1818). Elles avaient été fondées et animées par de jeunes nobles officiers gagnés par les idées libérales lors des campagnes militaires, notamment en France (1814). Ces groupes se développèrent exclusivement dans les milieux aristocratiques, les classes moyennes étant à cette époque, fort modestes, et la paysannerie complètement marginalisée sur le plan politique et social. Ces élites fournissaient également les loges et les sociétés littéraires, scientifiques et pédagogiques. Rien d’étonnant de trouver une certaine osmose entre tous ces groupements. Cependant, la majorité des maçons demeura en marge de cette activité plus ou moins souterraine. En 1821, l’Union de la Prospéritése scinda en deux groupes, la Société du Sud, républicaine, unitaire, centraliste, égalitaire en droit, et partisane d’une vaste réforme agraire, dirigée par le frère colonel Pavel Ivanovich Pestel (1793-1826), et la Société du Nord, monarchiste constitutionnelle libérale et réformiste de Nikita Muraviev, également maçon.
Le 1er décembre 1825, le tsar Alexandre mourait dans des circonstances mystérieuses à Taganrog, un port sur la mer d’Azov. Des rumeurs contradictoires prétendaient qu’il s’était suicidé, qu’il avait été assassiné ou qu’il s’était enfui pour devenir ermite en Sibérie, après avoir fait enterrer à sa place un sosie. Son frère puîné, le grand-duc Constantin, avait renoncé secrètement au trône en 1822 mais la décision n’était même pas connue par toute la famille impériale. Durant deux semaines, le prince tergiversa avant d’abandonner définitivement la couronne, si bien que le troisième frère, ignorant de la clause, le grand-duc Nicolas (futur tsar) prêta d’abord serment de fidélité à Constantin. Profitant de cet interrègne, divers groupes cherchèrent à organiser un coup d’Etat avec comme objectifs principaux une réforme constitutionnelle libérale et l’abolition du servage. Mal préparée, l’insurrection de 2 000 officiers et soldats du 14 décembre à Saint-Pétersbourg échoua. Le lendemain, elle était militairement écrasée. On associe à ce soulèvement la mutinerie du régiment Tchernigov dans le sud en janvier 1826. Ces deux mouvements furent l’œuvre des trois sociétés secrètes citées ci-dessus (NordSud et Slaves-Unis).Les conjurés de décembre furent arrêtés, cinq pendus dont les frères colonels Pestel et Sergueï Mouraviev-Apostol (1796-1826) et cent-vingt-un autres déportés en Sibérie avec leur famille. Parmi ces « décabristes »[14] se trouvaient vingt à trente maçons dont, outre ceux cités ci-avant, le romancier à succès Alexandre A. Bestoucheff (Bestoujev) ou les princes Fiodor Schakovskoï et Sergueï P. Troubetskoï (1790-1861). Cette présence suffira à justifier la vision « révolutionnaire » de la franc-maçonnerie de la part des autorités tsaristes. Le 30 mai 1826, la commission d’enquête publia ses conclusions dans un rapport traduit en cinq langues[15], envoyé à toutes les chancelleries européennes : y étaient exposés le déroulement des insurrections, les conclusions de l’enquête et le verdict du procès. Les allusions à la franc-maçonnerie y étaient modestes. Les rapporteurs mettaient seulement en évidence comment certains maçons (Alexandre Mouravieff ou Nikolaï Novikov) avaient cherché à utiliser des loges à des fins complotistes et comment certains usages maçonniques, comme le serment secret, l’« obéissance aveugle » et l’emploi des « poignards » et des « poisons » (sic) étaient réutilisés dans les sociétés « pré-décembristes ».
A la fin de la décennie 1820, la franc-maçonnerie européenne était dans une situation fort contrastée selon les Etats : interdite dans la majorité de l’Europe absolutiste (Autriche, Espagne, Russie), quasi-institutionnalisée en Prusse, au Royaume-Uni et en Suède, dans une situation plus mitigée (mais sans franche hostilité) en France et au Portugal.
Néanmoins, à l’exception de l’Europe du Nord et du Nord-Ouest, ces années furent une période de basses eaux pour la barque d’Hiram. Parce qu’elle associait le plus souvent l’Art royal aux Lumières radicales, aux excès révolutionnaires et aux sociétés secrètes, l’Europe de la Sainte-Alliance lui fut globalement hostile. Le système mis en place par le tsar Alexandre 1er et instrumentalisé par Metternich fonctionna à travers les congrès réunis à Aix-la-Chapelle (1818), Troppau (1820), Laibach (1821) et Vérone (1822). Ce directoire des grandes puissances s’arrogea le droit d’intervenir politiquement et militairement pour briser divers mouvements libéraux et/ou nationaux. Ainsi l’Autriche reçut mandat d’écraser la révolution napolitaine (1820) tandis que la France fut invitée à briser le mouvement libéral espagnol (1822). Il ne réussit cependant pas à empêcher les indépendances de la Grèce et de la Belgique.
Extraits  du chapitre IX, de l’ouvrage  L’Europe sous l’acacia, t. 2,  Paris, Dervy,  1914, p.  197-205.
L'europe sous l'acacia Tome 2
[1]           Lentz Thierry, Le Congrès de Vienne. Une refondation de l’Europe, 1814-1815, Paris, Perrin, 2012.
[2]           Selon Marie-Pierre Rey, Alexandre 1e , Paris, Flammarion, 2008, Alexandre aurait été fait maçon vers 1803/4 par Rodion Kochelev (1749-1827), affilié à la loge militaire du régiment Préobrajenski ( ?) & co-fondateur d’un atelier nommé Trois-Un ( ?) avec Kochelev & Alexander Galitzin (Golitzine). Cf. également TroyatHenri, Alexandre Ier : Le Sphinx du Nord, Paris, Flammarion, 1981,
[3]           Boethlingk Arthur, Der Waadtländer Friedrich Caesar Laharpe der Erzieher und Berater Alexanders I. von Russland des Siegers über Napoleon I. und Anbahner der modernen Schweiz, Berne/Leipzig, Bircher, 1925; traduction française et adaptation par Oscar Forel, Genève, La Baconnière, 1969.
[4]           Cf. Fabry Jacques, Johann Heinrich Jung-Stilling. Ésoterisme chrétien et prophétisme apocalyptique , Berne; [Berlin/Bruxelles/Francfort/New York/Oxford/Vienne], Lang, 2003.
[5]        En 1785, une loge Karl zur Treue, sise à Karlsruhe, se plaça sous son patronyme et sa protection, alors qu’il était margrave (1771-1803) de Bade. Interdite en 1813, elle reprit ses travaux en 1847 sous le nom de Leopold zur Treue, en l’honneur du grand-duc Léopold, fils de Karl Friedrich. Dissoute à nouveau en 1933, elle maçonne à nouveau depuis 1947.
[6]           Ley Francis, Madame de Krüdener. Romantisme et Sainte-Alliance, Paris, Champion, 2005.
[7]           Cf. Chapitre XX de Bergasse Jean-Denis, D’un rêve de réformation à une considération européenne, MM. Les députés Bergasse, Millau, impr. Maury, 1990, p. 413/32.
[8]           Lafage Franck, Le comte Joseph de Maistre. Itinéraire intellectuel d’un théologien de la politique, Paris, L’Harmattan, 1999 ; Froidefont Marc, Théologie de Joseph de Maistre, Paris, Classiques Garnier, 2010.
[9]           Les Soirées de Saint-Pétersbourg ou Entretiens sur le gouvernement temporel de la Providence, suivies d’un Traité sur les Sacrifices, Lyon et Paris, Rodolphe de Maistre, J. B. Pélagaud et Cie, imprimeurs-libraires, 1821, 2 volumes. Les huit premiers Entretiensont été rédigés pour l’essentiel en 1809.
[10]          Ghervas Stella, Réinventer la tradition. Alexandre Stourdza et l’Europe de la Sainte-AllianceParis, H. Champion, 2008.
[11]          Cf. tome 1.
[12]          Hirten-Brief an die wahren und ächten Freymäurer alten Systems, Leipzig, Böhme, 1791.
[13]          Aujourd’hui Chisinau, capitale de la Moldavie (voir plus loin).
[14]         Pavliouchenko, E., Les fils de Voltaire en Russie. Les décembristes et la France, Moscou, Édition du Progrès, 1988 ; Parsamov, V. S, Dekabristy i francuzskij liberalizm (pod redakciej N.A. Troickogo), Moscou, Polimed, 2001.
[15]          La version française fut publiée par la typographie Pulchart, à Saint-Pétersbourg, en 136 pages. La version en France fut éditée à Paris, chez Ponthieu & Cie, également en 1826.