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Ce fut à Vienne[1] que les vainqueurs de la France napoléonienne se réunirent du 3 octobre 1814 au 9 juin 1815. Le 30 mai 1814, le traité de Paris avait réglé le sort de la France. Toute l’Europe se retrouva ensuite dans la capitale habsbourgeoise : quinze empereurs, rois, princes impériaux et royaux, deux cent princes souverains ou médiatisés, deux-cent seize missions diplomatiques et des groupes les plus divers depuis les chevaliers de Malte, les sociétés abolitionnistes de la traite des Noirs, les représentants de la communauté juive « allemande » ou divers porteurs de projets européen, pacifiste et/ou géopolitique. Le congrès se poursuivit pendant les «cent-Jours» (retour de Napoléon) et prit fin seulement neuf jours avant la seconde abdication de Napoléon, les Alliés étant décidés à se défaire de lui définitivement. Après la bataille de Waterloo (18 juin 1815), la France dut accepter un second traité de Paris (20 novembre 1815) dont les conditions étaient plus rigoureuses qu’en 1814.
L’Acte Final du congrès de Vienne remodelait territorialement et politiquement l’Europe et accessoirement les régions extra-européennes qui en dépendaient. Il s’agissait de garantir à la fois les frontières et les régimes en se référant au principe de légitimité. Pour concrétiser cette volonté, à l’initiative du tsar fut signé le 26 septembre 1815 un traité dit la Sainte Alliance « au nom de la Très Sainte et Indivisible Trinité » entre l’empereur russe orthodoxe Alexandre Ier, l’empereur d’Autriche catholique romain François II et le roi de Prusse protestant Frédéric-Guillaume III. Ces trois souverains s’engageaient à rester « unis par les liens d’une fraternité véritable et indissoluble » et à se donner « en toute occasion et en tous lieux, assistance, aide et secours ». La cour de Vienne et son chancelier le prince Klemens Wenzel von Metternich (1773-1850) y virent un document à vocation juridico-morale. Berlin penchait plutôt pour une alliance géopolitique, tout comme la France qui y adhéra le 19 novembre 1815. Londres refusa poliment. La Sublime Porte ne pouvait se placer sous la croix & le pape bouda ce traité multiconfessionnel.
Le principal inspirateur et animateur de cette étrange alliance était Alexandre Ier [2]. Vrai despote éclairé, il fut toujours autocrate dans ses méthodes. Cependant le monarque eut d’abord une phase libérale, moderniste et humaniste sentimentale jusqu’à la guerre de 1812. Il fut notamment sous l’influence de son ancien précepteur le Suisse Frédéric César de La Harpe (1754-1838), libéral, inspirateur de la république genevoise et franc-maçon[3]. Avec le conflit l’opposant à Napoléon, l’attitude du tsar changea, notamment sous l’influence de Rodion Kochelev (1749-1827), maçon de longue date, autrefois lié à Diethelm Lavater (1743-1826), organisateur du Rite Ecossais Rectifié en Suisse, .au théosophe Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803) et à l’illuminat & philosophe Karl von Eckartshausen. D’abord, son regard s’obscurcit vis-à-vis de la France des Lumières. Les idées issues de la Révolution française n’avaient produit que des conséquences néfastes. Ensuite, divers conseillers le poussèrent à lire les malheurs russes de 1812, notamment l’incendie de Moscou, à travers une grille biblique. Concomitamment, le monarque apporta son total appui à la création de la Société Bibliqueprésidée par le prince Alexander M. Galitzin (1773-1844), au demeurant franc-maçon, Ober procurator du Saint Synode (1803) & chef du département des confessions étrangères (1810). Très rapidement, cette association, financée par Londres, qui réunissait des chrétiens de diverses confessions, dans une sorte d’œcuménisme d’avant la lettre, devint une machine de guerre contre l’influence des Jésuites à Saint-Pétersbourg et le mouvement de conversion au catholicisme de plusieurs familles nobles russes. Enfin, Alexandre lia la libération de l’Europe du tyran corse à un projet politico-religieux de recomposition de l’Europe. Cette vision s’exprimait dans un climat de mysticisme messianique et de guerre patriotique, le tsar se croyant appelé à être l’instrument de Dieu. Dans cet élan de foi, Alexandre Ier avait formé, au printemps 1814, dans le château de Bruchstal, résidence de sa belle-mère, la margravine Amélie de Bade (1754-1832), un « pacte mystique », « un lien d’amour et de charité », entre une ancienne dame d’honneur de la tsarine Elisabeth (1779-1826), Roxandre Stourdza (1786-1844), mariée au comte Albert Cajetan von Edling (1771-1841), alors maréchal du palais et ministre des affaires étrangères du grand-duc de Saxe-Weimar, et Johann Heinrich Jung-Stilling[4] (1740-1817), instituteur et ophtalmologue, franc-maçon, ami de Goethe, disciple de Lavater, conseiller aulique en 1803 de feu l’électeur (1803)(puis grand-duc en 1806) Karl Friedrich[5] (1728-1811) de Bade, par ailleurs fait franc-maçon à Londres, qui rêvait de bâtir sur les rives du Rhin une « Nouvelle Jérusalem » pour lutter contre la « Nouvelle Babylone » des bords de Seine.
Quelques mois plus tard, le tsar rencontra, sur la route de Heilbronn à Heidelberg, au printemps 1815, Barbara Juliane von Vietinghof (1764-1824), baronne de Krüdener[6], aristocrate livonienne, fille de maçon, vraie cosmopolite, grande voyageuse, amoureuse tumultueuse, en contact avec les Frères Moraves (protestants tchèques) de Riga, amie de Châteaubriand, Constant, Schenkendorf et Werner, détestée par Goethe, brimée par Metternich, romancière francophone préromantique, héritière de Rousseau, lectrice de Swedenborg, fondatrice d’une Eglise évangélique qui prêchait le salut collectif par la soumission volontaire au Christ Sauveur. Elle invita le tsar à assumer son rôle d' »Elu de Dieu » et, comme tel, de prendre la direction d’une nouvelle Eglise chrétienne régénérée et lavée des atrocités de la Révolution et du bonapartisme. De juin à octobre 1815, Alexandre lui rendit visite presque chaque soir, à Paris, à l’hôtel Montchenut, sis 35 rue du Faubourg-Saint-Honoré où elle résidait. Elle le convainquit de la nécessité d’appliquer les préceptes chrétiens à la politique et l’incita à former une « Union-Absolue ou Sainte-Alliance « , mais il semble que son rôle dans l’élaboration du traité ait été surévalué. Quoiqu’il en soit, ce projet d’une nouvelle Respublica christiana semblait la réalisation des vieux rêves mesmériens d’harmonie universelle d’un ami de la baronne, le ci-devant maçon l’avocat Nicolas Bergasse (1750-1832), discipline de Messmer, co-fondateur de la Société de l’Harmonie Universelle, ancien député libéral aux Etats généraux de 1789, devenu théoricien de la contre-Révolution et zélé latomophage[7]. Obnubilé par la théorie du complot, s’informant à diverses sources, notamment auprès du ministre plénipotentiaire d’Espagne à Berlin, le comte de Vallejo, il devint le penseur d’une politique antirévolutionnaire dont l’antimaçonnisme fut une des composantes. Il voyait dans tous les mouvements publics ou discrets, libéraux, démocrates ou nationalistes, la main de la Secte, dont le signe « tangible » fut l’assassinat du duc de Berry.
Enfin, le projet de l’Europe chrétienne et mystique de la Stricte Observance Templière inspira aussi le pacte de la Sainte-Alliance. On y retrouvait également un parfum du christianisme ésotérique de Saint-Martin. De plus, un des principaux inspirateurs maçons de l’idéologie spirituelle dans laquelle baignera la Sainte-Alliance sera le frère Joseph de Maistre (1753-1821), nommé ambassadeur du roi de Sardaigne (réfugié dans l’île) de 1803 à 1817. L’esprit conservateur, voire réactionnaire du traité, ne pouvait que plaire à Maistre[8]. Il trouvait dans le « message des trois mages » (comme il appelait les trois souverains signataires) un écho à ses projets ou à ses souhaits exprimés dans les Soirées[9]. Cependant, cette alliance de souverains de confessions chrétiennes différentes, dans laquelle l’influence (réelle ou supposée) de l’illuminisme martiniste semblait exagérée (allusion à la baronne de Krüdener) gênait Maistre. Le Savoyard attribuait le rôle de destruction du Mal à la seule Russie alors qu’il conférait à la France contre-révolutionnaire régénérée la mission de conduire l’Europe vers le Bien. Il manifestait un attachement filial au catholicisme romain et au pouvoir temporel des papes. Paradoxe des conséquences, c’était l’aspect mystico-maçonnique de la Sainte-Alliance, trop éloigné de l’orthodoxie catholique et de son interprétation providentialiste de la Révolution française, qui heurtait Maistre.
Il va sans dire que la présence maçonnique, ou plus exactement l’influence d’un courant maçonnique mystique dans la conception idéologique et programmatique de la Sainte-Alliance, ne fut pas la seule, ni même la plus importante. Au demeurant, ledit courant hiramique (Lavater, Jung-Stilling, Oberlin, Maistre) était lui-même une des multiples composantes de la nébuleuse mystico-romantique contre-révolutionnaire dans laquelle se mêlaient le piétisme protestant, la spiritualité catholique traditionnaliste, la mystique russe, l’illuminisme, la théosophie et l’occultisme. L’idée d’une unification de l’Europe sur la base du christianisme était dans l’air du temps, et le rôle central d’Alexandre Stourdza (1791-1854) dans l’élaboration du texte du traité est désormais clairement établi[10]. La Sainte-Alliance avait donc un parfum ésotérico-maçonnique mais il serait hasardeux d’y voir l’action occulte des loges. Tout au plus, peut-on dire qu’un noyau de maçons (ou anciens maçons) « mystico-réactionnaires » contribuèrent à donner corps à la sainte-Alliance. Pour déconnecter un tantinet le traité et la pensée maçonnique, il suffit de se référer à la situation de la franc-maçonnerie dans les trois piliers de la Sainte-Alliance.
Dans l’Empire d’Autriche, l’Art royal demeurait interdit, même si des Autrichiens fréquentèrent des loges étrangères. La sanction se prolongea sous le règne (1835-1848) de l’empereur Ferdinand 1er(1793-1875). Le chancelier (1809-1848) Metternich reprit à son compte les théories complotistes contre-révolutionnaires visant lesilluminaten, les carbonari, les jacobins, les francs-maçons et les libéraux. Au congrès de Vérone de la Sainte-Alliance, il prôna la prohibition de la franc-maçonnerie dans toute l’Europe, en s’appuyant sur les arguments développés par un mémoire écrit en français (puis traduit en allemand) du comte Christian von Haugwitz (1752-1832), ancien ministre des affaires étrangères de Prusse (1792-1804 ; 1805-1806) :
« J’acquis alors la ferme conviction que le drame commencé en 1788 et 1789, la Révolution française, le régicide avec toutes ses horreurs, non seulement y [dans la franc-maçonnerie] avaient été résolus alors, mais encore étaient le résultat des associations et des serments. Que ceux qui connaissent mon cœur et mon intelligence jugent de l’impression que ces découvertes produisirent sur moi !…»
Membre successif des loges de Leipzig (Minerva), Francfort (L’Union) et Görlitz, reçu dans la Stricte Observance Templière (Eques a Monte Sancto), attiré par le Système de Zinnendorf, puis par le Rite Suédois, Haugwitz avait fondé l’Ordre des Frères de la Croix, réservé aux maîtres maçons. Malgré ces liens avec Ferdinand de Brunswick et Charles de Hesse-CasseI, il se rendit, non sans barguigner, au convent « rectifié » de Wilhelmsbad (1782)[11] durant lequel il prétendit plus tard qu’on avait ourdi la perte de Louis XVI. Comme de nombreux maçons, il fut heurté par les excès de la Révolution française et devint latomophage[12]. Le roi de Prusse latomophile s’opposa au projet du chancelier autrichien, lequel, par une taquinerie de Clio, était pourtant fils & père de franc-maçon. En effet, son père, le premier prince Metternich (1746-1818), Franz Georg, diplomate et chevalier de la Toison d’or, fut membre de la loge Karoline zu den drei Pfauen, sise à Neuwied, et du cercle illuminé de Coblence (1784) sous le pseudonyme de Ximenes tandis que son fils Richard (1829-1895), ambassadeur à Paris (1859-1870) où il aurait été fait maçon.
Inversement, en Prusse, les obédiences étaient étroitement associées au régime royal depuis Fréderic II, fait maçon en août 1738. Ses trois frères, son neveu & héritier Frédéric-Guillaume II, puis les futurs kaisers Guillaume 1er & Fréderic III, et plusieurs princes Hohenzollern furent reçus dans l’Art royal.
En Russie, la diversité maçonnique perdurait. L’Art royal était toujours partagé entre mysticisme et rationalisme, Système Suédoiset Rite Moderne. La cacophonie était telle qu’en 1815, les loges russes reçurent la possibilité de travailler à leur guise, sous les auspices de leur choix. Fut ainsi constituée la Grande Loge Astrée, ouverte à tous les régimes reconnus, indépendante des Hauts Grades, et présidée par le comte Vasili Muskin-Pushkin-Brus (1782-1836). Une grosse vingtaine de loges se rallia à elle. A côté se forma la (Grande) Loge provinciale, fidèle au Rite Suédois et forte d’une dizaine de loges, querelleuses entre elles. La totalité des maçons russes n’était qu’un gros millier. En Russie, la conjonction réelle (ou supposée) des jacobins, des illuminaten et des francs-maçons auxquels s’ajouteront les carbonari nourrissait la crainte d’une subversion universelle. La chancellerie de Vienne dénonçait auprès de l’empereur Alexandre Ier les activités contre-révolutionnaires des loges. En 1820, le lieutenant général, sénateur et comte Egor Andreievitch Kushelev, député grand maître de la Grande Loge Astrée, fit de même. Il demandait l’épuration des loges. L’évolution du régime tsariste vers un conservatisme étroit aurait suffi à justifier des mesures latomophages. Le 4 mai 1821, à Kichinev[13], le poète Alexandre Pouchkine (1799-1837) fut fait maçon à la loge Ovide. Le 12 août, à la veille du congrès de la Sainte-Alliance à Vérone, le tsar ordonna au ministre de l’intérieur le comte Victor Kotchubey de fermer les ateliers existants et d’interdire la création de nouveaux. Les réunions continuèrent plus ou moins discrètement. Dans le même temps, divers maçons participaient depuis 1815-1816 à des sociétés secrètes destinées à réformer, y compris par la violence, le système tsariste. Parmi les principales, on notait l’Union du Salut ouSociété des Fils Loyaux de la Patrie (1816), remplacée par l’Union de la Prospérité (1818). Elles avaient été fondées et animées par de jeunes nobles officiers gagnés par les idées libérales lors des campagnes militaires, notamment en France (1814). Ces groupes se développèrent exclusivement dans les milieux aristocratiques, les classes moyennes étant à cette époque, fort modestes, et la paysannerie complètement marginalisée sur le plan politique et social. Ces élites fournissaient également les loges et les sociétés littéraires, scientifiques et pédagogiques. Rien d’étonnant de trouver une certaine osmose entre tous ces groupements. Cependant, la majorité des maçons demeura en marge de cette activité plus ou moins souterraine. En 1821, l’Union de la Prospéritése scinda en deux groupes, la Société du Sud, républicaine, unitaire, centraliste, égalitaire en droit, et partisane d’une vaste réforme agraire, dirigée par le frère colonel Pavel Ivanovich Pestel (1793-1826), et la Société du Nord, monarchiste constitutionnelle libérale et réformiste de Nikita Muraviev, également maçon.
Le 1er décembre 1825, le tsar Alexandre mourait dans des circonstances mystérieuses à Taganrog, un port sur la mer d’Azov. Des rumeurs contradictoires prétendaient qu’il s’était suicidé, qu’il avait été assassiné ou qu’il s’était enfui pour devenir ermite en Sibérie, après avoir fait enterrer à sa place un sosie. Son frère puîné, le grand-duc Constantin, avait renoncé secrètement au trône en 1822 mais la décision n’était même pas connue par toute la famille impériale. Durant deux semaines, le prince tergiversa avant d’abandonner définitivement la couronne, si bien que le troisième frère, ignorant de la clause, le grand-duc Nicolas (futur tsar) prêta d’abord serment de fidélité à Constantin. Profitant de cet interrègne, divers groupes cherchèrent à organiser un coup d’Etat avec comme objectifs principaux une réforme constitutionnelle libérale et l’abolition du servage. Mal préparée, l’insurrection de 2 000 officiers et soldats du 14 décembre à Saint-Pétersbourg échoua. Le lendemain, elle était militairement écrasée. On associe à ce soulèvement la mutinerie du régiment Tchernigov dans le sud en janvier 1826. Ces deux mouvements furent l’œuvre des trois sociétés secrètes citées ci-dessus (Nord, Sud et Slaves-Unis).Les conjurés de décembre furent arrêtés, cinq pendus dont les frères colonels Pestel et Sergueï Mouraviev-Apostol (1796-1826) et cent-vingt-un autres déportés en Sibérie avec leur famille. Parmi ces « décabristes »[14] se trouvaient vingt à trente maçons dont, outre ceux cités ci-avant, le romancier à succès Alexandre A. Bestoucheff (Bestoujev) ou les princes Fiodor Schakovskoï et Sergueï P. Troubetskoï (1790-1861). Cette présence suffira à justifier la vision « révolutionnaire » de la franc-maçonnerie de la part des autorités tsaristes. Le 30 mai 1826, la commission d’enquête publia ses conclusions dans un rapport traduit en cinq langues[15], envoyé à toutes les chancelleries européennes : y étaient exposés le déroulement des insurrections, les conclusions de l’enquête et le verdict du procès. Les allusions à la franc-maçonnerie y étaient modestes. Les rapporteurs mettaient seulement en évidence comment certains maçons (Alexandre Mouravieff ou Nikolaï Novikov) avaient cherché à utiliser des loges à des fins complotistes et comment certains usages maçonniques, comme le serment secret, l’« obéissance aveugle » et l’emploi des « poignards » et des « poisons » (sic) étaient réutilisés dans les sociétés « pré-décembristes ».
A la fin de la décennie 1820, la franc-maçonnerie européenne était dans une situation fort contrastée selon les Etats : interdite dans la majorité de l’Europe absolutiste (Autriche, Espagne, Russie), quasi-institutionnalisée en Prusse, au Royaume-Uni et en Suède, dans une situation plus mitigée (mais sans franche hostilité) en France et au Portugal.
Néanmoins, à l’exception de l’Europe du Nord et du Nord-Ouest, ces années furent une période de basses eaux pour la barque d’Hiram. Parce qu’elle associait le plus souvent l’Art royal aux Lumières radicales, aux excès révolutionnaires et aux sociétés secrètes, l’Europe de la Sainte-Alliance lui fut globalement hostile. Le système mis en place par le tsar Alexandre 1er et instrumentalisé par Metternich fonctionna à travers les congrès réunis à Aix-la-Chapelle (1818), Troppau (1820), Laibach (1821) et Vérone (1822). Ce directoire des grandes puissances s’arrogea le droit d’intervenir politiquement et militairement pour briser divers mouvements libéraux et/ou nationaux. Ainsi l’Autriche reçut mandat d’écraser la révolution napolitaine (1820) tandis que la France fut invitée à briser le mouvement libéral espagnol (1822). Il ne réussit cependant pas à empêcher les indépendances de la Grèce et de la Belgique.
Extraits du chapitre IX, de l’ouvrage L’Europe sous l’acacia, t. 2, Paris, Dervy, 1914, p. 197-205.
[1] Lentz Thierry, Le Congrès de Vienne. Une refondation de l’Europe, 1814-1815, Paris, Perrin, 2012.
[2] Selon Marie-Pierre Rey, Alexandre 1e , Paris, Flammarion, 2008, Alexandre aurait été fait maçon vers 1803/4 par Rodion Kochelev (1749-1827), affilié à la loge militaire du régiment Préobrajenski ( ?) & co-fondateur d’un atelier nommé Trois-Un ( ?) avec Kochelev & Alexander Galitzin (Golitzine). Cf. également TroyatHenri, Alexandre Ier : Le Sphinx du Nord, Paris, Flammarion, 1981,
[3] Boethlingk Arthur, Der Waadtländer Friedrich Caesar Laharpe der Erzieher und Berater Alexanders I. von Russland des Siegers über Napoleon I. und Anbahner der modernen Schweiz, Berne/Leipzig, Bircher, 1925; traduction française et adaptation par Oscar Forel, Genève, La Baconnière, 1969.
[4] Cf. Fabry Jacques, Johann Heinrich Jung-Stilling. Ésoterisme chrétien et prophétisme apocalyptique , Berne; [Berlin/Bruxelles/Francfort/New York/Oxford/Vienne], Lang, 2003.
[5] En 1785, une loge Karl zur Treue, sise à Karlsruhe, se plaça sous son patronyme et sa protection, alors qu’il était margrave (1771-1803) de Bade. Interdite en 1813, elle reprit ses travaux en 1847 sous le nom de Leopold zur Treue, en l’honneur du grand-duc Léopold, fils de Karl Friedrich. Dissoute à nouveau en 1933, elle maçonne à nouveau depuis 1947.
[6] Ley Francis, Madame de Krüdener. Romantisme et Sainte-Alliance, Paris, Champion, 2005.
[7] Cf. Chapitre XX de Bergasse Jean-Denis, D’un rêve de réformation à une considération européenne, MM. Les députés Bergasse, Millau, impr. Maury, 1990, p. 413/32.
[8] Lafage Franck, Le comte Joseph de Maistre. Itinéraire intellectuel d’un théologien de la politique, Paris, L’Harmattan, 1999 ; Froidefont Marc, Théologie de Joseph de Maistre, Paris, Classiques Garnier, 2010.
[9] Les Soirées de Saint-Pétersbourg ou Entretiens sur le gouvernement temporel de la Providence, suivies d’un Traité sur les Sacrifices, Lyon et Paris, Rodolphe de Maistre, J. B. Pélagaud et Cie, imprimeurs-libraires, 1821, 2 volumes. Les huit premiers Entretiensont été rédigés pour l’essentiel en 1809.
[10] Ghervas Stella, Réinventer la tradition. Alexandre Stourdza et l’Europe de la Sainte-Alliance, Paris, H. Champion, 2008.
[11] Cf. tome 1.
[12] Hirten-Brief an die wahren und ächten Freymäurer alten Systems, Leipzig, Böhme, 1791.
[13] Aujourd’hui Chisinau, capitale de la Moldavie (voir plus loin).
[14] Pavliouchenko, E., Les fils de Voltaire en Russie. Les décembristes et la France, Moscou, Édition du Progrès, 1988 ; Parsamov, V. S, Dekabristy i francuzskij liberalizm (pod redakciej N.A. Troickogo), Moscou, Polimed, 2001.
[15] La version française fut publiée par la typographie Pulchart, à Saint-Pétersbourg, en 136 pages. La version en France fut éditée à Paris, chez Ponthieu & Cie, également en 1826.
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